Ce printemps, l'hirondelle était arrivée avec ses soeurs, dans ce hameau à la lisière de la forêt du Gâvres.
Elles l'avaient choisi pour ses vieilles maisons de pierre, ses dépendances de torchis, ses glycines escaladant les vieux murs et ses trous bien cachés dans ses pierres disjointes: c'était un bon hameau pour les nids.
Le lendemain de son arrivée, un peu reposée de son long voyage, l'hirondelle était allée faire le tour de ses quartiers de printemps.
Soudain, elle se figea dans les airs...Elle cligna des yeux...la fatigue lui jouait-elle un mauvais tour? Devant elle, ...mais oui..., elle ne rêvait pas: un chat ! C'était bien un chat, un chat tout noir, un chat dans le ciel ! Un chat qui la regardait !...
L'hirondelle frémit, fendit l'air, et alla se poser, les pattes tremblantes, sur un fil électrique.
Un bref coup d'oeil...Non, il ne l'avait pas attaquée, pas poursuivie...L'hirondelle le regardait, incrédule mais moins tremblante. Un souffle de vent la frôla et le chat lui tourna le dos. D'ordinaire, elle ne les craignait guère, se sachant hors de portée d'un coup d'ailes...Mais celui-là, ce chat de suie, se détachait bel et bien sur le ciel ! De mémoire d'hirondelle, on n'avait jamais vu çà!
Les nuages s'étaient assombris, le vent se levait peu à peu et le chat s'agitait maintenant: Il tournait, à gauche, à droite, mais ne s'éloignait pas de son bout de ciel ! Le vent agitait les feuilles en un bruissement annonciateur d'orage.
Le ciel devint franchement noir et, d'un seul coup, un zigzag de feu le zébra dans un craquement épouvantable qui déchira l’air, juste au-dessus.
L'hirondelle, pétrifiée de peur, sentit ses pattes trembler sur son fil, le chat sembla se hérisser dans un halo de feu...de grosses gouttes lourdes se mirent à tomber. L'hirondelle n'eut que le temps de trouver l'abri d'un dessous de toit. Le ciel se déchira, gronda, s'illumina...
Puis, peu à peu, le roulement s'éloigna...L'hirondelle regarda le chat: il était toujours là, téméraire et splendide ! Il regardait l'hirondelle...Encore tremblante, elle prit son vol, s'approcha...le chat la regardait toujours...mais , bizarrement, elle n'avait plus peur...Elle s'approcha encore; frappé par la foudre, il était beau, comme illuminé et purifié par l'orage; dans ses yeux brillait une tendresse nouvelle... C'était...le coup de foudre !!
L'hirondelle se posa sur son dos, le chat ronronna..
Je suis retournée voir le cyprès chauve du bord de l'Erdre...
Cet hiver, je publiais cet article , sur Orange:
"Je les croise à chaque promenade le long de ce sentier qui longe l'Erdre. Bonnets de lutins tenant une assemblée secrète ? Moines en méditation ?
Rien de tout cela, disent les scientifiques! Mes moinillons en robe de bure se nomment "pneumatophores", c'est à dire "porteurs de souffle" (ah ! Que les hommes de science ont donc parfois l'imagination poétique !). C'est joli, et l'explication ne l'est pas moins. Certaines espèces d'arbres situés au bord de l'eau, comme les palétuviers ou ici les cyprès chauves,ont parfois les racines en grande partie immergées...Ils développent alors, pour échapper à l'asphyxie , des racines aériennes qui leurs servent de poumons ...et que l'on appelle aussi "genoux respiratoires"!
L'hiver a tondu ce cyprès chauve, car son feuillage est caduc, mais, cet été, ses cheveux repoussés abriteront de leur ombre les petits pèlerins qui veillent sur lui ! "On a beaucoup écrit sur les chats d'écrivains, surtout depuis le XIX éme siècle. Et les écrivains ont beaucoup écrit sur les chats, qu'il s'agisse de Colette, Céline, Champfleury, A. Dumas....; fascination que les chats leur rendent bien ! Ne sont-ils pas des animaux de plume ?
Par contre, les oreilles sensibles et délicates des chats n'apprécient pas le travail des chanteurs!
Adolescente, j'ai eu une jolie chatte tigrée qui avait horreur de m'entendre faire mes exercices de solfège: elle commençait par s'asseoir au pied de ma chaise et par darder sur moi ses grands yeux vert. La demande était claire, mais, bien sûr,je l'ignorais et je savais ce qui allait suivre.
Devant mon obstination, Mouky sautait sur mes genoux, s'asseyait face à moi, les yeux fixes, dans l'espoir fou de me faire comprendre combien ces sons -là lui blessaient les oreilles.
En désespoir de cause, elle finissait (car c'était une chatte délicate) par poser doucement la patte sur ma bouche! On ne pouvait pas être plus clair!!!
Puis, j'ai eu une merveilleuse petite chatte, douce, affectueuse et intelligente: pour ne pas se priver de ma présence, ma belle, toute douce et presque toute blanche se couchait héroïquement sur le canapé lorsque je commençais à chanter, mais finissait sur le dos, les deux pattes croisées sur les oreilles!!!
Quant à Giono, qui, malgré son nom, a la malchance de partager le logis d'un baryton, il proteste et tourne en rond dès la première note ("çà y est, çà recommence!") puis s'éclipse par la chatière sans s'embarrasser de sentiments, pour retrouver ses oiseaux, son mulot et ses exercices de funambule sur le mur...Poète et pacifiste, certes, mais pas masochiste!
Ce qu'il aime, Giono, c'est s'asseoir sur la page blanche, la "patouiller " de ses coussins roses, regarder le va et vient du stylo, mais c'est par -dessus tout, inspecter les étagères de la bibliothèque,découvrir les nouveaux titres, et respirer la bonne odeur du vieux papier....Giono aime les livres (le baryton aussi, ce n'est pas tout à fait un hasard...) ;mais après tout, s'il devait aimer les vocalises, il fallait l'appeler Caruso...!